Xavier Seignot

Un regard tranchant, une plume libre

Némésis

Quand la justice ne suffit plus, la colère prend le relais

Affiche du film Némésis

Adapté du roman éponyme, Némésis est un thriller social et psychologique tourné entre 2014 et 2018, puis diffusé en 2019 au cinéma. Plus qu’une adaptation, c’est une plongée dans la rage et la justice personnelle, qui interroge la frontière entre le bien et le mal ; et ce que la société fait de notre colère quand tout semble s’effondrer autour.

Là où le roman sonde l’esprit, le film choisit le corps, le geste, le silence. Chaque plan porte cette tension propre à Méthée : la frustration d’un homme qui veut croire que frapper, c’est réparer ; l’illusion d’une réparation qui finit toujours par présenter l’addition.

Une vision sans super-héros

En écrivant le roman, je voyais déjà le film ; j’ai donc choisi de réaliser moi-même l’adaptation. Le justicier de Méthée n’a pas de pouvoir, pas de costume ; il n’a ni gadgets, ni slogan, ni public acquis. Il n’a qu’une chose : l’impossibilité de rester spectateur. Il agit, parfois mal, souvent trop vite, et le cinéma enregistre cette mécanique implacable : le mouvement avant l’excuse, l’impact avant le doute.

Mon intention n’a jamais été de glorifier la violence, mais d’en montrer la mécanique ; quand les réponses institutionnelles échouent, certains glissent vers la justice personnelle ; le masque n’est pas un totem de puissance, c’est une anonymisation ; derrière lui, chacun peut devenir Némésis, et c’est précisément ce qui dérange.

Tournage dans les Yvelines (Villepreux, Plaisir, Fontenay-le-Fleury, Trappes, Auvers-sur-Oise), Paris et le périphérique ; environ 100 personnes impliquées ; un budget avoisinant 20 000 € compensé par une énergie collective rare. Matériel volontairement simple (caméras BlackMagic, éclairages minimaux, montage nerveux) ; objectif : un rendu brut, proche, presque « volé ».

Repérages et tournage — Némésis

L’émotion par la mise en scène

Deux séquences cristallisent le ton : l’arrivée de nuit, à moto, au cabinet du psy ; plan long, presque muet, où la ville respire à contretemps du personnage ; et, en contrepoint, une intimité pudique entre Jack et Céline, où tout se joue dans les regards, la respiration, les tremblements minuscules. Némésis, c’est violence contenue et émotion à vif ; un film où l’on retient autant qu’on frappe.

La musique, signée Frédéric Mauerhofer, mélange l’énergie urbaine d’un Streets of Rage moderne et une pulsation plus grave, à la Hans Zimmer, pour soutenir la chute morale. Plutôt que de commenter l’image, la bande-son lui donne un battement cardiaque. 

« La bande-son ne dit pas quoi penser ; elle fait sentir, au millimètre, l’instant où l’on bascule. »
Séquence nocturne — Némésis

Du roman au film : une autre colère

Le roman Némésis est introspectif ; la voix de Jack dissèque ses justifications, ses trous noirs, son besoin de croire qu’il rend l’équilibre. Le film transpose cette matière dans le mouvement ; ce que la page pense, la caméra l’exprime par le rythme, la respiration, le silence ; les plans disent la nervosité, l’évitement, l’après-coup où l’on réalise trop tard ce que l’on vient de faire.

Même tension morale, même dualité, mais une narration recentrée sur les gestes et les attentes ; roman et film forment un diptyque ; deux voix pour une même révolte, l’une lucide et verbale, l’autre physique et lacunaire. Ensemble, elles dessinent la carte d’un territoire où la justice ne répond plus.

Du roman au film — Némésis

Réception & héritage

La projection en salle, en 2019, a ouvert un dialogue inattendu ; beaucoup ont salué un thriller sans artifice, porté par la sincérité du jeu, la tension des scènes et une musique qui tient la note jusqu’au silence final ; nombre de spectateurs sont revenus au roman après le film ; pour chercher l’autre moitié de la voix, complétant leur expérience par l’intimité du texte.

Aujourd’hui, Némésis continue de circuler et d’être étudié ; ateliers, échanges, débats sur la justice et la légitimité morale ; c’est l’une des pierres angulaires de l’univers de Méthée ; un objet de fiction qui interroge le réel, sans prétendre le résoudre.

Affiche et projections — Némésis

Making-of & anecdotes

Production artisanale et collective ; décors réels (périphérique, ruelles de nuit, appartements, cabinet de psy) ; logistique légère mais exigeante ; la véracité d’abord, quitte à multiplier les prises pour obtenir cette seconde où tout s’aligne : le souffle, le regard, l'ambiance de la rue.

Direction d’acteurs axée sur le non-dit ; laisser vivre les silences, les hésitations, les ratés qui rendent l’instant vrai. 

« Je voulais que chaque déplacement ait un sens. Un plan, un silence, un souffle ; sentir la lutte intérieure, même à l’arrêt. »
Making-of et coulisses — Némésis

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